Analyse Trail du Moucherotte
Nouvelle approche sur le pacing en trail-
Introduction
Le week-end dernier avait lieu le Multisport Festival du Vercors, à Saint-Nizier du Moucherotte (le village où j’ai grandi) soit un événement avec plus de 18 épreuves sportives, dont le trail du Moucherotte. Contrairement à l’année dernière, la météo était plutôt capricieuse (grêle et pluie le samedi, vent froid le Dimanche avec un ressenti à -8°C au sommet du Moucherotte !!), mais pour une fois qu’un événement sportif a lieu à Saint-Nizier, je me sentais obligé d’y participer !
Le Dimanche, à 9h du matin, je me lançais sur le Trail du Moucherotte. Un parcours de 19 kilomètres pour 1300 mètres de dénivelé nous attendait. Le tracé étant à plus de 1600m d’altitude en moyenne, nous avons été perturbés par la neige restante sur le parcours à la suite d’un hiver plutôt généreux, rendant la progression assez compliquée sur certaines parties. La pluie de la veille n’a pas facilité la tâche non plus, rendant les descentes particulièrement boueuses et glissantes.
Ce fût tout de même un beau trail, et c’est l’occasion de vous présenter une analyse de mon approche dans ma préparation de la course !
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Etat des lieux sur la forme du moment
Avant de commencer tout plan de course, il faut faire un état des lieux sur le niveau actuel de l’athlète (moi-même dans cet exemple) pour se tromper le moins possible sur le plan de course.
La première chose que j’évalue avant un trail, c’est le seuil critique (ou FTP, CP…). Et plus particulièrement le seuil critique en côte (à plus de 10%), qui sera beaucoup plus représentatif en trail que la FTP sur le plat. On voit sur l’image ci-dessous mon profil de performance en côte. Pour rappel, un article sur la puissance critique est disponible ICI. C’est une valeur « physiologique » que je suis de près pour les épreuves longues distances comme le trail, car elle reflète les capacités aérobies de l’athlète et prend en compte son endurance (contrairement à la mesure de la PMA qui est fortement influencée par les filières anaérobie).
Le jour de la course, mon seuil critique en côte est estimé à 300 W (voir image ci-dessus). Je me suis servi de cette valeur de base pour établir mon plan de course.
Profitons-en pour faire un petit point sur mon entraînement depuis ce début d’année (pour comprendre comment j’analyse l’entraînement, un article est disponible ICI) :
Globalement, l’entraînement a été très bon sur les phases 1 et 3, soit les mois de janvier et février-mars. J’ai eu cependant des gros trous dans mon entraînement à cause de maladies (10 jours de grippe sur la phase 2 début février, et 3 semaines d’allergie/fatigue sur la phase 4 en avril). Grâce aux bonnes phases d’entraînement 1 et 3, j’ai pu construire des bases solides sur le long terme. Les compétitions de fin avril – début mai (le mythique relais de la Tiomila avec mon club Suédois, et surtout mon titre de champion de France de CO en moyenne distance ????) m’ont aidé à reprendre la confiance en mon entraînement, et ce malgré un mois d’avril compliqué. L’évolution de ma forme est donc sur la bonne voie, mais conscient qu’elle était loin d’être optimale, j’ai opté pour une course assez prudente et loin de tout objectif de résultat (enfin, on ne sait jamais en trail ????).
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Facteurs externes à prendre en compte
Il faut savoir que mon seuil critique en côte est essentiellement basé sur des performances réalisées en dessous de 1000 mètres d’altitude, habitant à Grenoble (220m). Ma base des 300 Watts est donc à ajuster en fonction des conditions environnementales, en l’occurrence ici, c’est l’altitude qui aura le plus gros impact (la température aussi, mais c’est plus négligeable…) sur ma performance aérobie.
Pour ajuster les allures en fonction de l’altitude, je m’appuis sur les travaux de Péronnet (https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2010398). Pour résumer et sans rentrer dans les détails, jusqu’à 2500m, la puissance aérobie baisse de 1% tous les 300 mètres de dénivelé.
Sur le trail du Moucherotte, l’altitude moyenne est d’environ 1600 mètres. Soit une baisse théorique de 4-5% par rapport à Grenoble (220m), disons 5% pour être large !
En prenant en compte ces 5%, mon seuil critique que je prendrais en compte n’est donc plus de 300 W mais plutôt ~285 W !
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Mon plan pacing
Quel pourcentage choisir par rapport à ce seuil critique ?
C’est assez individuel et cela dépend beaucoup de l’entraînement spécifique trail, particulièrement sur le travail en côte. Je dirais entre 75% et 98% de CP en fonction du profil du parcours et du niveau/entraînement de l’athlète.
Me concernant, et au vu du profil de la course avec des montées de 20-30 minutes maximum, de mon entraînement spécifique (assez faible), et de mon mois d’avril compliqué, j’ai opté pour un pacing assez prudent.
Mon plan était de respecter un range entre 85% au minimum et 95% au maximum de ma puissance critique estimée, sauf au départ, où je m’autorise quelques minutes au-dessus du seuil (un conseil : évitez de rester trop longtemps au-dessus de votre CP car cela entraîne une dérive de la fréquence cardiaque avec une baisse de votre rendement musculaire, et donc une apparition de la fatigue prématurée) pour me placer en début de course.
Mon range de pacing en côte pour ce trail était donc planifié entre 242 W et 270 W. Mon but était évidemment d’essayer d’être le plus proche possible de la valeur haute des 270 W !
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Analyse du Trail
La neige, présente sur les hauteurs, a perturbé mes plans de pacing sur certaines parties, mais globalement, j’ai pu m’y tenir. Le but était de rester sous les 270 W (sauf la première montée) et au-dessus des 242 W. J’ai plutôt très bien respecté ce plan, avec des moyennes à 262W, 262W et 253W sur les 3 montées principales de ce trail. Au niveau des sensations, j’ai eu l’impression de pouvoir fournir un effort assez constant sur la majorité du parcours. La fréquence cardiaque confirme bien les sensations avec une bonne stabilité autour des 160-165 bpm.
On voit sur le graphique ci-dessus que j’ai plutôt bien respecté mes plans, avec un pic de distribution de la puissance autour des 260-270 W et une bonne régularité. Une légère baisse (253 W) tout de même sur la dernière montée, qui s’explique par l’apparition de la fatigue, l’altitude (point culminant du parcours), et les quelques portions de neige sur la piste.
Ma fréquence cardiaque confirme elle aussi la bonne régularité avec une FC moyenne de 161 bpm sur la totalité du parcours (seulement -2 bpm entre la première heure et la deuxième, sachant qu’il y avait plus de descente sur la deuxième partie).
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Conclusion
Je remarque que beaucoup de traileurs ne savent pas gérer leur allure de course, ils partent souvent trop vite par rapport à leur capacité ! C’est plutôt normal étant donné qu’on a peu de repère quand on se lance sur un trail, du coup c’est un peu n’importe quoi les premières minutes après le départ.
Ma méthode, et grâce au capteur de puissance Stryd, permet d’ajuster au mieux le pacing en fonction du niveau de performance de l’athlète. Cela permet d’éviter certaines erreurs de pacing, et donc d’améliorer la performance à la fin !
Pour preuve, au pas de la bergère (après 30 minutes de course), je pointais à la 8/9ème position. En suivant mon pacing, je n’ai presque pas faibli tout en doublant tous ceux qui avait fait un départ kamikaze. Je reviens même sur le troisième au sommet du Moucherotte… puis me ramasse lamentablement dans la boue en essayant de le suivre dans la descente (je déconseille fortement les Hoka Speed Instinct sur terrain boueux ^^). Je me contente d’une très correcte 4ème place (3ème senior) derrière les fusées du jour (voir le classement ICI) mais surtout satisfait d’avoir bien suivi mon plan de course !
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