LES SECRETS D'UNE FOULÉE ÉCONOMIQUE [SPÉCIAL RUNNING]

PARTIE 1 - EXPLICATIONS

La course à pied est pratiquée par plus de 6 millions de personne en France. Sans doute car c’est le sport le plus simple à faire. Une paire de chaussures et hop c’est parti ! Ce n’est pas pour autant que c’est le sport le plus simple pour progresser. Et quand il s’agit de comprendre les mécanismes sous-jacents à la course, ça devient encore plus compliqué. Je suis là pour vous éclaircir sur le sujet de l’économie de course et apporter des pistes de travail pour améliorer votre foulée en course à pied !

Pour remettre dans le contexte à quel point la course à pied est un sport spécifique en termes d’économie, il faut comprendre le mécanisme de base de la course avec le modèle du ressort. Voir le schéma ci-dessous :

 

Schéma du modèle du ressort en course à pied :

  • L0 représente la longueur de la jambe
  • ΔL représente la compression maximale pendant la phase d’appui
  • Δy représente le changement de déplacement maximal du centre de gravité du coureur
  • θ représente la moitié de l’angle balayé par la jambe (le ressort) pendant la phase d’appui.

Toujours imager pour mieux comprendre !

Les jambes fonctionnent comme un ressort servant à convertir l’énergie cinétique (créée par le mouvement) en énergie élastique (pour ne pas gaspiller cette énergie cinétique en l’amortissant simplement) lors de l’impact au sol. Leur rôle est donc de stocker pour restituer cette énergie cinétique en énergie élastique de la meilleure manière possible. Cette énergie est aussi appelée « énergie gratuite » car c’est nos structures musculo-tendineuses qui vont en partie faire le travail sans qu’on fournisse le moindre effort.

Ce modèle permet surtout de comprendre que c’est possible d’être très économique. L’utilisation efficace de l’énergie élastique va largement contribuer à améliorer l’économie de course. Sans ce mécanisme efficace, on aurait bien de la peine à dépasser les 10 km/h. Par exemple, prenons le cas d’un bon marathonien qui aura optimisé l’efficacité de son « modèle du ressort » : la proportion d’énergie élastique (par le ressort) pourra être supérieure à 50% du travail total. Ça signifie que 50% de la puissance fournie provient de ce mécanisme ingénieux du ressort ! C’est grâce à ce niveau d’économie (entre autres) qu’il pourra tenir ces vitesses affolantes sur aussi longtemps (note : record du monde (homologué) en 2h01’39’’, soit 20,81 km/h de moyenne).

Ça vaut le coup de comprendre comment ça marche pour essayer d’optimiser tout ça grâce à l’entraînement 😉

En course à pied, les jambes utilisent ce mécanisme efficace pour nous faire avancer de manière économique en utilisant l’énergie élastique grâce au cycle étirement-raccourcissement (en rouge les qualités neuromusculaires misent en jeu qui vont porter tout notre intérêt dans l’entraînement) :

  • Les jambes ont comme rôle d’amortir le choc lors du contact au sol pour absorber la force d’impact (sinon on aurait régulièrement des fractures) et stocker l’énergie cinétique sous forme d’énergie élastique ⇒ La capacité musculo-tendineuse excentrique (la force excentrique)
  • Les jambes fonctionnent comme un ressort qui va restituer l’énergie élastique créé par l’impact au sol tout en générant de la force et de la puissance pour créer du mouvement (et lutter contre la gravité) ⇒ La capacité d’utilisation de l’énergie élastique pour produire de la force musculaire concentrique (la force réactive)
  • Il faut pouvoir mesurer l’efficacité de ce cycle étirement-raccourcissement pour s’assurer du bon transfère de ces énergies pendant la course ⇒ La rigidité des jambes (Leg Spring Stiffness, ou LSS)

La compréhension de ces 3 qualités est primordiale pour toute personne souhaitant améliorer son économie en course à pied. Les études montrent que la force excentrique, la force réactive (index de force réactive), et la rigidité des jambes en course à pied sont corrélées de manière très significative avec l’économie de course. On va donc s’intéresser à ces 3 paramètres qui semblent incontournables en course à pied. Commençons par comprendre la première étape dans ce cycle étirement-raccourcissement qui est la force excentrique !

 

La force excentrique

Pendant le cycle d’une foulée, les muscles sont sollicités de manière excentrique pendant la première phase (atterrissage) de contact au sol et vont produire de la force concentrique pendant la seconde phase (décollage) de contact au sol.

L’atterrissage au sol va solliciter les muscles par étirement pour amortir le choc, c’est grâce à la force excentrique qu’on va pouvoir absorber facilement le choc.

La force excentrique joue donc un rôle important dans le cycle étirement-raccourcissement en aidant à convertir l’énergie cinétique en énergie élastique et ainsi réduire le coût métabolique lié à la course (comme déjà vu plus haut).

Des études ont montré que les 2 fonctions principales de la force excentrique en course à pied sont :

  • La capacité à absorber l’énergie mécanique lors du contact au sol par les muscles extenseurs de la cheville, du genou et de la hanche (ils vont être étirés par le choc et vont l’absorber au mieux)
  • Potentialiser cette énergie cinétique en énergie élastique (pour gaspiller le moins d’énergie possible, même si une partie est aussi dissipée sous forme de chaleur).

Ainsi, un coureur avec une plus grande capacité excentrique va pouvoir stocker plus d’énergie en absorbant cette force. Et donc potentiellement il pourra transmettre plus de force lors de la phase concentrique. En effet la réutilisation de l’énergie élastique stockée est considérée comme un déterminant majeur en termes d’économie d’énergie.

 

La force réactive

La force réactive représente la capacité d’un coureur à utiliser le cycle étirement-raccourcissement de manière efficace. L’index de force réactive (RSI) est calculé en divisant le temps en suspension en l’air par le temps de contact au sol pendant un sprint (plusieurs méthodes sont possibles). Le résultat démontre la capacité d’un athlète à passer rapidement et efficacement d’une contraction excentrique à une contraction concentrique.

Ainsi, les coureurs qui ont une plus grande force réactive et la capacité d’utiliser l’énergie élastique grâce au cycle étirement-raccourcissement, vont mieux s’économiser en course à pied. Aussi intéressant, plus la vitesse de course augmente, plus les mécanismes élastiques seront mis en jeu et plus la contraction concentrique sera aussi plus efficace.

Plus l’énergie élastique restituée sera importante, plus la contraction concentrique sera forte (grâce à un couplage des deux forces)

La force réactive est donc une qualité intéressante à prendre en compte dans l’entraînement, même pour les coureurs d’endurance, car elle permet d’être plus économique par une contraction concentrique plus efficace.

 

La rigidité des jambes

La rigidité des jambes (leg spring stiffness, LSS) est un paramètre important qui va définir la quantité d’énergie stockée et restituée pour une compression donnée (imaginez un ressort rigide : il sera moins déformable qu’un ressort mou, et donc potentiellement pourra stocker et restituer plus d’énergie). Elle est définie comme le ratio entre le pic de force au contact au sol et l’écrasement max de la jambe pendant l’appui. En gros c’est la capacité de résistance à la déformation (voir le schéma en haut pour mieux comprendre).

La rigidité des jambes est corrélée avec l’économie de course (voir figure ci-dessous) :

Corrélation entre la rigidité des jambes et l’économie de course à 16 km/h. Kleg = rigidité des jambes ; RE = économie de course.

Une plus grande rigidité des jambes permet théoriquement de stocker plus d’énergie élastique pendant la phase excentrique et va refléter un cycle étirement-raccourcissement efficace. La rigidité des jambes étant intimement liée au temps de contact au sol, son augmentation va permettre de réduire le temps de contact au sol.

Ces améliorations auront l’intérêt d’optimiser plusieurs mécanismes économiques :

  • Moins de perte de vitesse à chaque impact au sol à cause de la force de freinage
  • Augmentation du temps en l’air, soit plus de temps de relaxation entre les contractions musculaires, donc moins d’accumulation de fatigue
  • Meilleure oxygénation musculaire et perfusion sanguine (apport en O2)

En gros, on est plus économique et on peut soutenir une allure sous-maximale plus longtemps !

 

EXEMPLES CONCRETS :

Par exemple j’analyse cette valeur lors des tests VMA pour voir le seuil neuro-musculaire au niveau de la rigidité des jambes (LSS). Ci-dessous, on a l’exemple d’un athlète « débutant », qui avait fait un premier test avec un LSS en baisse malgré l’augmentation de la vitesse. Le second test a montré des progrès avec une augmentation du LSS avec la vitesse jusqu’à un certain seuil. En effet son temps de soutien à 11.5 km/h a aussi augmenté de 12%, signe d’une meilleure économie à cette allure (sa VMA a augmenté de 4%, donc n’explique pas la progression à elle seule).

Un autre exemple ci-dessous avec un athlète confirmé. Son seuil « économique » intervient à 15 km/h, c’est-à-dire qu’à partir de là, la force d’impact est trop importante et la déformation de son « ressort » est plus conséquente. Cela signifie qu’il va devoir fournir une contraction concentrique plus importante, alors que la vitesse augmente. On imagine qu’il va vite s’épuiser.

En soi, ce n’est peut-être pas un si mauvais signe, car il va peut-être mieux solliciter ses capacités excentriques et potentiellement mieux utiliser sa force réactive vers une contraction concentrique décuplée (couplage énergie élastique/énergie concentrique) pour soutenir l’allure imposée. C’est une supposition.

Sauf que les études montrent qu’une corrélation inverse significative existe entre la rigidité des jambe et l’économie de course (voir figure ci-dessous). Cependant, les études analysent le LSS à une certaine vitesse donnée et nous n’avons pas l’évolution de ce LSS en fonction de la vitesse. A ma connaissance, aucune étude n’a travaillé là-dessus spécifiquement. Qui est chaud pour intégrer ma propre étude ? 😉

La question reste donc ouverte quant à l’interprétation de ces données (provenant du capteur Stryd), même si j’ai ma petite idée.

 

Le prochain article abordera les méthodes d’entraînement pour améliorer les qualités de force excentrique, de force réactive, et de rigidité des jambes afin d’optimiser votre cycle d’étirement-raccourcissement et ainsi devenir plus économique et plus rapide !

 

Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31809458

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